PARTANT DE L’INFORME
Le point de départ est la surface à animer -toile ou feuille de papier - et la première tache de couleur ou d’encre qu’on y jette : l'effet qui en résulte, l’aventure qui en résulte. C'est cette tache, à mesure q'on l'enrichit et qu'on l'oriente, qui doit conduire le travail. Un tableau ne s'édifie pas comme une maison partant de cotes d'architecte, mais : dos tourné au résultat – à tâtons ! A reculons! Ce n'est pas en regardant l'or alchimiste, que tu trouveras le moyen d'en faire, mais cours à tes cornues, fais bouillir de l'urine regarde avidement le plomb, là est ta besogne. Et toi peintre, des taches de couleur des taches et des tracés, regarde tes palettes et tes chiffons,les clefs quetu cherches y sont.
Jean DUBUFFET, « l’homme du commun à l’ouvrage » idées/Gallimard
(NOTES POUR LES FINS-LETTRÉS)
suite « NON LIEUX »
"On ne trouvera plus dans ces peintures aucun objet ni figure - rien qui puisse nommer. Elles ne sont pourtant pas du tout non figuratives. Elles prétendent figurer (ou disons plutôt évoquer), dans une forme abrégée, synthétique, le monde qui nous environne dont nous faisons partie..."
Jean Dubuffet avril 84
Fasciné par cette ultime période de l’œuvre de Jean Dubuffet, étonné par sa jeunesse, sa liberté, je me suis essayé de reprendre le chemin ouvert.
La ligne, la couleur prend toute sa force, car elle n’est plus inféodée à « l’image »
C’est la voie la plus ardue à aborder, se séparer de toute influence et référence représentative, laisser le cerveau agir, sur la main, sans contrôle, simplement avec son acquit, du regard comme de l’esprit.
Mai, l’exercice périlleux où le résultat, pour peu que l’on veuille agir sur lui dans une volonté de maîtrise de son geste, bascule dans la médiocrité.
Cette citation, je l’approcherais bien du regard que l’on se doit de porter sur la société afin de la comprendre. Ne regardons pas uniquement la foultitude, nos semblables, regardons, écoutons « le plomb » « la palette et les chiffons » c’est à dire chaque homme dans son unité, pour y découvrir les clefs, l’or que nous cherchons.
Venons-en à la forme du geste et du trait (mélodie et rythme) Il fait partie de l’acquis, inscrit après des années de pratique du cerveau, qui transmet au bras, à la main par instinct. On le retrouve ainsi au cours des années, par un travail constant et quotidien, comme une véritable signature permanente.
Quant aux couleurs, si chaque artiste à sa « palette » elle se module par l’instant vécu, ou par un choix ponctuel réservé à l’œuvre du moment. Pou les matériaux utilisés, au-delà d’une volonté délibérée de resté soit « classique » soit de créer des effets particuliers ou provocateurs, c’est parfois la nécessité économique qui les imposent.
Pour moi, lors de la réalisation d’œuvres, j’ai toujours en tête l’objectif de ne reprendre les gestes ou les « manières » d’autres artistes, mais d’imaginer « l’incréé ». Le « beau » n’étant en aucun cas le but de l’œuvre. Le désapprentissage des techniques le choc, des matières non orthodoxes aide à atteindre la satisfaction